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Les Pygmées

Les anciens pensaient que ce peuple de nains habitait aux confins de I'Hindoustan ou de I'Ethiopie. Certains auteurs affirment qu'ils édifiaient leurs demeures avec des coquilles d'œufs; d'autres comme Aristote, ont écrit qu'ils vivaient dans des grottes souterraines. Pour faire la récolte du blé, ils s'armaient de haches comme pour abattre une forêt. Ils avaient comme montures des moutons et des chèvres , assortis à leur taille. Chaque année, ils étaient envahis par des bandes de grues venant des plaines de Russie.

Jorge Luis Borgès « Le Livre des êtres imaginaires, 1954 

Les Pygmées... Rarement peuple du monde aura plus attiré l'attention, depuis l'aube des temps. Avec les Esquimaux, les Touaregs et les Papous, les Pygmées font partie de ces peuplades dont tout un chacun a entendu le nom, et sur lesquelles il a des idées.

« Les vrais Pygmées, je les connais, ils vivent dans les arbres » me disait cette jeune résidente française à mon arrivée à Bangui en 1972...

Les « vrais Pygmées », chaque jeune voyageur les recherche, aidé par les «témoignages » de ceux qui savent, sur place, qui disent que, là-bas, en pleine forêt, au-delà de la rivière, il y en a encore qui vivent « sans contact avec les villageois ». A travers les siècles, les Pygmées suscitèrent des questions, d'abord sur leur existence (mythe ou réalité ?), ensuite sur leur identité (hommes ou singes ?), enfin, à la fin du xxè siècle, sur eux-mêmes. C'est surtout leur aspect physique qui fascina et la plupart des publications portèrent sur leur taille, inférieure à la normale, sans difformité marquée bien qu'on les ait souvent appelés « nains ». Cette particularité intrigua; conjuguée à une économie rudimentaire, elle fut à l’origine de nombre d'hypothèses hardies, où l’on voyait dans les Pygmées l'image de l'Humanité préhistorique.

Serge Bahuchet- Histoire d'une civilisation forestière I. Dans la forêt d'Afrique centrale: les Pygmées Aka et Baka

Qui sont ces chasseurs-cueilleurs de la forêt ?

Ces sociétés se caractérisent par un mode de vie nomade, une mobilité dans un espace forestier dense et riche, une subsistance qui dépend très largement des ressources qui sont prodiguées par ces forêts. L'accès à ces ressources nécessitant l'élaboration de savoirs naturalistes empiriques qui se transmettent au fil des générations. Ce sont de véritables écologues au sens scientifique du terme, maitrisant la connaissance des plantes, des animaux et du fonctionnement des écosystèmes. Leur mode de vie social est basé sur le collectivisme. C'est une constante dans ce type de société et c'est absolument vital car il y a nécessité de redistribuer, d'échanger, de partager dans l'effort pour acquérir des ressources. Lorsque ces ressources sont acquises on partage le fruit de la cueillette, de la chasse ou de la pêche
Edmond Dounias
2ème conférence de la série imaginée par l’IRD ( l’Institut de recherche pour le développement ) à Marseille, dans le cadre de l'année internationale de la Forêt décrétée par l’Unesco, « Vivre en forêt tropicale, survivre quand elle disparaît », une conférence de l’ethno-écologue Edmond Dounias

Je n’avais de la forêt tropicale que des images toutes faites, véhiculées par les médias, les revues naturalistes et reflétant les inquiétudes grandissantes de l’écologisme naissant : un espace sauvage et vierge, domaine des éléphants et des grands singes ; une biodiversité extraordinaire menacée par l’exploitation forestière, la course aux minerais et autres richesses dont regorgent les sols, menacée par la folie des hommes et leurs besoins gourmands de ressources infinies. Un enfer vert pour les occidentaux, un éden pour les naturalistes en quête d’espèces inconnues de la science, le « paradis » terrestre pour les mythiques populations Pygmées qui y vivent de chasse et de cueillette, les derniers hommes libres vivant en autarcie, hors du monde et de la folie moderne.

Ces lieux communs n’ont pas résisté une seule seconde à ma confrontation avec la réalité, avec le terrain, celui que j’ai choisi pour réaliser ma recherche : la forêt du bassin du Congo. Ce qui m’y a été donné à voir et à comprendre est bien plus complexe, bien moins romantique et beaucoup moins figé. Toutes ces images qui forgent notre imaginaire sur la forêt tropicale s’appuient sur les représentations de la multitude d’acteurs qui s’y intéressent et qui véhiculent leurs propres représentations souvent de manière simplifiée, selon leurs convictions, leurs choix politiques et en fonction des techniques de communication au grand public.

Marine Robillard : Pygmées Baka et voisins dans la tourmente des politiques environnementales en Afrique centrale

Entre Sumba qui vit à Bitouga au nord du Gabon, Djéno qui est née au Congo et Kalo qui habite à Moangue-le Bosquet à l'est du Cameroun, existent des liens familiaux, claniques.
Leurs esprits sont liés par la même forêt, un mode de vie commun, le même ostracisme subit aussi.
​Dans une vie, un pygmée parcour
ra un espace limité. Il lui faut 1 km2 par individu pour se nourrir, vivre, se soigner.
Dans cet univers de rivières, d'arbres et de plantes peuplé d'une faune innombrable, il y naîtra, il nomadisera, il aimera puis, un jour il y mourra.

La vie change. Les pistes percent cet espace encore vierge parfois. Les nations détestent les populations nomades. Sur toute la planète. Aucun d’entre eux ne peut se représenter le monde dans lequel il vit. Son propre pays dont il est citoyen, son continent, les océans, le Grand Monde.
 
Alors on sé
dentarise. Villages, écoles parfois, dispensaires plus rarement. Et carte d'identité. Fondamentale

Les exploitations forestières ouvertes à l'est ont créé des pistes pour la circulation des grumiers, monstres de 40 tonnes, transportant d'énormes billes de bois. Voitures héroïques, motos... C’est une route. Tout au long, de multiples villages s’ancrent en bordure. L’habitat ici ne sépare pas vraiment la communauté pygmée de la communauté non pygmée. Ils échangent beaucoup de biens, et même de temps en temps quelques gènes. Partout en fait, la route constitue l’avenir.

Là se regroupent les pygmées « dos à la forêt, face à la ville ». C’est au bord de la route que circulent les gens. Si l’on a un gibier à vendre, c’est au bord de la route que l’on va se mettre pour attendre qu’une voiture vienne l’acheter. Si on veut envoyer ses enfants à l’école, si on veut aller au dispensaire...Il faut être sur la route. Pourtant, les pygmées visibles en bord de route ne représentent qu’une fraction de ce qui se passe en réalité. Il y a des portes derrière les maisons, qui s’ouvrent sur la forêt.
Les Pygmées Baka regroupent plus de 40 000 personnes au sud-est du Cameroun où ils sont majoritaires sur un vaste territoire de forêts...
5 jours par semaine ils sont en forêt ou dans leurs champs qui sont à l’écart.
Sur un long ruban de 60 km de pistes, on peut estimer la présence de 4 000 Baka de Lomié à Messok.

Laurent Maget - Paroles de Pygmées
 

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